La Plateforme Marolles, qui regroupe des habitants, marchands, commerçants et associations des Marolles, amoureux et clients du Vieux Marché, s’est constituée fin novembre 2014 en opposition au projet de construire un parking sous la place du Jeu de Balle. Ce projet a heureusement été abandonné en février 2015, mais la Ville de Bruxelles prévoit désormais de le construire sous la cité de logement social des Brigittines, toujours dans les Marolles. La Plateforme Marolles est donc restée active, notamment pour soutenir les habitants du quartier des Brigittines et de tous les quartiers concernés par les conséquences du nouveau plan de mobilité du Pentagone, adopté en marge de la création du piétonnier sur les boulevards centraux.
À ce titre, nous avons pris connaissance du projet de réaménagement des boulevards du centre, de la place De Brouckère et de la Place Fontainas. Nous souhaitons formuler les remarques suivantes.
La piétonnisation des boulevards centraux, le nouveau plan de mobilité du Pentagone et le projet de créer de nouveaux parkings souterrains constituent un projet d’ensemble. S’y ajoutent, d’ailleurs, un nouveau schéma de développement commercial et une série d’outils et de moyens qui en font aussi un véritable programme de transformation socio-économique du centre-ville. Il convient de l’analyser dans sa globalité. Nous ne comprenons pas que seule une enquête publique soit organisée sur l’aménagement du piétonnier et strictement sur le périmètre de celui-ci, alors qu’une véritable étude d’incidences devrait s’imposer pour un programme de cette ampleur, en tenant compte des impacts y compris en dehors du périmètre du piétonnier.
Les premiers mois de la phase test du piétonnier ont permis de constater certains impacts du piétonnier sur la mobilité en périphérie des Marolles. Par exemple : une nette augmentation du trafic automobile et de ses nuisances est à constater sur la rue des Alexiens, le boulevard de l’Empereur, la rue des Ursulines, la rue des Brigittines et la rue van der Weyden (cette étroite artère qui relie le boulevard de l’Empereur au boulevard Lemonnier est désormais fortement encombrée aux heures de pointe, augmentant ainsi le stress et la pollution sonore, et entravant le passage pour les cyclistes) ; le dernier tronçon de la rue Haute (entre les rues Joseph Stevens et Rollebeek) reste renseigné comme piétonnier, sans que l’on puisse réellement en saisir l’intérêt et sans qu’aucune disposition claire indique ce changement (ce qui crée une situation chaotique et différente de jour en jour) ; etc. Or, aucun dispositif n’a été mis en place pour étudier ces impacts plus en détails. Aucune étude n’étaye la nécessité de construire de nouveaux parkings, n’étudie le taux d’occupation des parkings existants, ne démontre que cette option est compatible avec les objectifs de réduction du trafic automobile, ni n’évalue les impacts sur la circulation et la pollution d’un parking souterrain à la place Rouppe et d’un autre sous les Brigittines (à 300 mètres de là). À l’heure actuelle, aucune procédure ne permet aux habitants, commerçants et usagers de faire part de leurs observations et réclamations.
La présente enquête publique se déroule à contretemps, alors même qu’une phase test est en cours pour encore plus de quatre mois. L’objet de l’enquête publique ne permet pas de se prononcer sur cette expérience. Dans ce laps de temps, il s’est pourtant produit bien des choses qu’il serait intéressant d’évaluer, y compris l’aménagement provisoire doté d’un mobilier léger et sans doute réalisé à la va-vite mais ayant l’avantage de contribuer à créer un véritable espace public, c’est-à-dire aussi un lieu de flânerie et d’appropriation ; contrairement à l’aménagement fonctionnaliste et aseptisé qui s’annonce dans le projet soumis à l’enquête et qui, s’il est réalisé, va contrer la possibilité d’une mixité des usages. Nous craignons en effet qu’un tel aménagement participe à transformer les boulevards en promenade commerciale (à l’image de la rue Neuve ou plus récemment de la rue des Fripiers), aux dépens des autres usages de l’espace public.
Tout comme lors de la phase préalable de « participation », la Ville de Bruxelles voudrait que les citoyens se cantonnent à donner leur avis sur l’aménagement du piétonnier, et extraire du débat des questions déterminantes comme sa localisation, sa taille ou encore son rapport à la mobilité douce qui est plus que paradoxal :
- Comment se réjouir de l’espace libéré et de l’air un peu moins pollué sur des boulevards « haussmaniens » conçus pour l’automobile, alors que le trafic automobile et ses nuisances sont reportés sur des artères moyenâgeuses, elles aussi habitées, à quelques pas de là ?
- Comment discuter des pistes cyclables sur les boulevards sans évoquer l’existence purement symbolique mais réellement dangereuse (marquages au sol nullement respectés) des pistes cyclables sur les rues du « mini-ring » ? L’ensemble du dispositif rend la traversée du centre-ville à vélo plus compliquée et plus dangereuse qu’auparavant et expose cyclistes et piétons à un air encore plus vicié.
- Comment parler de l’aménagement du piétonnier, si on ne peut pas questionner le fait qu’il détourne les bus (tandis que les taxis peuvent y circuler), les renvoie vers des artères dépourvues de sites propres, déplace les arrêts et rallonge les trajets à pied, rendant ainsi plus difficile la traversée du centre-ville notamment pour les personnes âgées ? En effet, nous constatons que l’accès au centre-ville – et donc au piétonnier – par les transports en commun de surface est rendu plus difficile par l’éloignement des arrêts et des terminus des bus 48 et 95. Ceux-ci avaient déjà été déplacés, par le passé, de la Bourse vers la place Fontainas, au détriment des usagers. Nous ne comprenons pas que la mise en piétonnier des boulevards centraux ne s’accompagne pas d’un renforcement de l’offre de transports publics (pour y accéder mais aussi pour s’y déplacer), et pire, que cette offre ait globalement régressé, le quartier des Marolles n’étant pas le seul touché par ces modifications à la baisse.
Seule une étude d’incidences précédée d’une enquête publique pourrait combler ces lacunes et permettre la prise en compte de tous les aspects et les effets de ce projet. Nous profitons de cette occasion pour la demander.
Par ailleurs, nous demandons à pouvoir être entendu-e-s lors de la Commission de concertation du mercredi 14 octobre 2015.
Merci pour votre attention.
La Plateforme Marolles