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Dimanche 30/11

Ce dimanche 30 novembre, comme tous les dimanches, et comme chaque jour d’ailleurs, c’est marché aux puces. Mais c’est un dimanche particulier : nous serons à 24 heures du conseil communal qui doit entériner le cahier des charges de ce parking inutile qui va défigurer le cœur des Marolles.

Nous vous donnons rendez-vous à 12h autour de la place du Jeu de Balle, pour montrer notre attachement à ce quartier tel qu’il est, signer la pétition, profiter du marché aux puces, des bistrots… et du procès du Promoteur Immobilier et de sa fidèle épouse la Bureaucratie.

Et de 16h30, jusqu’au lendemain à 16h30  : Touche pas à mon Jeu de Balle !, un festival gratuit de 24h (au Chaff).


Dimanche 30/11 à 12h (rendez-vous devant l’église) :

Procès du Promoteur Immobilier et sa fidèle épouse la Bureaucratie

Le 13 septembre 1969, les Marolliens enterraient symboliquement le Promoteur Immobilier et sa fidèle épouse la Bureaucratie. Cet acte marquait la fin de la Bataille des Marolles. Face à la résistance des habitants du quartier contre les expropriations massives prévues pour agrandir le Palais de Justice, le Promoteur et la Bureaucratie avaient dû reculer.

 2014 : le Promoteur Immobilier et sa fidèle épouse la Bureaucratie sont de retour dans le quartier pour construire un parking sous la place du Jeu de Balle. Nous les ferons reculer !

 Ce dimanche 30 novembre, la Société du Carnaval Sauvage organise leur procès.

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Dimanche 30/11 à 16h30 jusque lundi 1/12 à 16h30 (au Chaff) : 

Touche pas à mon Jeu de Balle !

Un festival gratuit de 24h au Chaff, avec  Françoiz Breut, Marie Warnant, Matthieu Ha, Odieu, Sylvain Chauveau, Les Vedettes, Frituur, etc. enz.

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Lundi 1/12 à 16h30 (à l’Hôtel de Ville) :

Conseil communal de la Ville de Bruxelles

Ce lundi, en points 37, 38, 39 et 40 de son ordre du jour, le conseil communal doit voter le cahier des charges des 4 parkings (Yser, Nouveau Marché aux Grains, place Rouppe, place du Jeu de Balle) que la Ville compte construire dans le cœur de Bruxelles. Les habitants concernés par les projets de nouveaux parkings risquent d’être présents en nombre pour marquer leur opposition. Rien que pour la place du Jeu de Balle, un événement Facebook compte 2600 inscrits. La salle du conseil communal risque d’être trop petite…

 

Les Marolles se mobilisent contre le projet d’un parking sous la place du Jeu de Balle

Communiqué de presse, 27/11/2014 

Giene parking onder onze  Met !

La Plateforme Marolles réunit des marchands, des commerçants, des associations et des habitants des Marolles, mais aussi des amoureux de  ce quartier populaire et des clients de son marché aux puces. Elle s’est constituée suite à l’annonce de la construction de quatre parkings souterrains qui vont défigurer plusieurs places du centre de Bruxelles, dont la place du Jeu de Balle, et ainsi créer des flux de circulation supplémentaires dans des artères déjà congestionnées et faire subir aux Bruxellois des années de chantiers. La Plateforme Marolles s’oppose à ce parking inutile sous la place du Jeu de Balle. Sa construction aurait des conséquences catastrophiques pour le marché aux puces et le quartier des  Marolles.
 
Créée le 24 novembre lors d’une réunion qui a rassemblé près de 150 personnes, la Plateforme Marolles a lancé dès le lendemain une pétition contre ce projet de parking, qui a recueilli près de 6500 signatures en 48 heures ! Outre le texte de la pétition, nous vous invitons à lire les nombreux commentaires laissés par les signataires qui font part à la fois de  leur attachement à ce quartier, tel qu’il est. Les signataires de la pétition soulignent : « Au  contraire d’un nouveau grand chantier, la place du Jeu de Balle et son  sous-sol historique mériteraient d’être classés. Le marché aux puces qui  s’y tient quotidiennement depuis 1873 et l’activité qu’il génère à ses abords sont uniques au monde et constituent un patrimoine économique,  social et culturel qu’il convient de préserver par tous les moyens. » 
 
Cette  pétition n’est pas la seule manifestation du rejet des Bruxellois à ce  projet : le groupe « NO PARKING JEU DE BALLE!!!!!! », lancé il y a  une semaine sur les réseaux sociaux, réunit à ce jour 1450 personnes opposées à ce parking. La communauté virtuelle « We Love Jeu de Balle »,  créée pour sauver la place du Jeu de Balle, a attiré plus de 5000  sympathisants en trois jours et appelle les Bruxellois à se rendre ce  lundi 1er décembre au conseil communal de la Ville de Bruxelles.
 
En effet, malgré qu’aucune concertation n’ait été menée avec les riverains, que ces projets ne reposent sur aucune étude préalable et ne correspondent pas aux besoins du quartier, le Collège de Bruxelles compte faire voter lundi  prochain le cahier des charges de ce parking souterrain ! Un cahier des  charges que les conseillers communaux viennent d’ailleurs à peine de recevoir…
 
La Plateforme Marolles demande au Collège de la Ville de Bruxelles :
Le retrait de ce point de l’ordre du jour du conseil communal.  Si la procédure que la Ville a entamée se poursuit, les concessions publiques seront octroyées aux sociétés privées qui construiront les  parkings avant même que la moindre étude sérieuse ni qu’une enquête publique soient menées.
L’abandon du projet de parking et l’ouverture d’un véritable dialogue sur les problèmes de mobilité dans le quartier.
 
Les membres de la Plateforme Marolles mèneront une action symbolique ce dimanche 30 novembre dès midi sur les abords de la place du Jeu de Balle. Ils invitent tous les amoureux des Marolles à les rejoindre pour  signifier le refus de la population de voir ce quartier être défiguré.www.plateforme-marolles.be
contact@plateforme-marolles.be

Bruxelles ma belle…

Un texte de Jan Bucquoy

Le centre ville de Bruxelles se vend sous le nez de ses habitants qui sont refoulés vers des communes pauvres qui deviendront à leur tour la proie des promoteurs. Les habitants exsangues par les loyers insupportables finiront dans des caves humides ou s’entasseront à 20 dans 20 m2.

L’impuissance où nous sommes à rendre coup pour coup illustre une difficulté plus générale: le capital ne nous offre plus de point d’appui, de visage, de cible compacte. Nous cherchons des barons, deux cent familles riches ou des maîtres du monde et nous ne trouvons qu’un ramassis de managers cyniques payés au pourcentage qui gèrent des fonds de pensions californiens. Ils avancent masqués, conquièrent de nouveaux espaces, des continents inconnus. Ils nous colonisent.

Les habitants de cette ville sont les nouveaux esclaves d’un règne nouveau. Ces managers se sont emparés de notre langage et de notre imaginaire. La restructuration capitaliste n’a pas frappé l’usine sans frapper, dans un même temps, le reste, c’est à dire la ville et l’habitat.

Le centre ville avec ses piquets et barrières sur le trottoir, les ronds points à fleurs, la rue aux pitas près de la Grand-Place de la capitale canalisent les habitants vers les ghettos commerciaux de la rue Neuve. Transformés en mobilier urbain, les habitants et leur vie deviennent de la valeur marchande et utile et sont uniquement considérés en acheteurs potentiels. Cette ville aux petits loyers s’est transformée en îlot privilégié d’eurocrates aux salaires gargantuesques plongeant ses habitants sous le seuil de la pauvreté.

Plus de place donc pour des Dolle Mol, les Marolles, des cafés populaires ou d’autres lieux de replis et de résistance à ce monde qui n’a retenu de 10000 ans de culture que vendre, acheter et faire du profit. Déjà au XIX ème siècle, Bruxelles, capitale de la liberté d’expression accueillait les plus grands noms de la contestation y étaient chez eux: Marx, Engels, Bakounine, Victor Hugo, Baudelaire, Rimbaud, Verlaine…

Car Bruxelles brusselait. Cette ville créait des liens de parole et de parenté, liens de souvenir et de l’intimité. Habitudes, usages, solidarités. Tous ces liens établissent entre les humains et les choses, entre les lieux, des circulations anarchiques sur quoi la marchandise et ses promoteurs n’ont pas directement prise. L’intensité de ces lieux les rend moins exposés et plus impropres aux rapports marchands.

Dans l’histoire du capitalisme, cela a toujours été le rôle de l’État que de briser ces liens, de leur ôter la base matérielle afin de disposer les êtres au travail, à la consommation et au désenchantement.

Les nouveaux cafés sont des lieux de solitude.

Bruxelles s’entoure d’un désert administratif et crée une société de déracinés. Les quartiers populaires sont envahis par des nouveaux bourgeois, élite européenne qui rem-place les habitants humains avec leurs cris, odeurs, bagarres, complicité. Ce n’est qu’une question de temps, les loyers augmentant et les anciens bâtiments industriels étant massivement changés en lofts spacieux, la nouvelle population prendra la place de l’ancienne (voir les Marolles et l’arrivée du Sablon).

Le garage deviendra un dancing couru de tous et l’ancienne filature servira des déjeuners plus bio que nature.

Bruxelles participe d’une guerre. D’une guerre d’anéantissement. Tout se passe comme si la bataille se livrait et que nous n’avions pas pied sur le terrain d’affrontement. Comme si c’était la dimension même de la guerre qui nous échappait. Comme si nous reculions devant l’élément même sur lequel opère désormais, le capital. Cela vaut mieux pour les quartiers et cela vaut pour les amitiés; parmi les camarades, combien de complices avons-nous dû laisser pour mort sur le front esthétique? Combien, lassé de l’agitation comme de la paralysie militante, s’abîment aujourd’hui dans la culture?

Les promoteurs considèrent l’espace urbain à la fois comme un tissu marchand, un espace soumis à la production des marchandises et comme une devanture, une réclame.Espaces publics et immeubles majestueux se convertissent en emblèmes et symboles de la réussite des nouveaux riches.

Les espaces urbains vivables se réduisent. Les trottoirs et ses piquets empêchent de se promener la main dans la main, de traîner, de vadrouiller, de s’engueuler. Tout est construit pour faire son shopping. Que le peuple de Bruxelles se rassemble, que ceux qui s’y reconnaissent soient les bienvenus.

La ville n’est pas à vendre, la ville est là pour qu’on y vive.

Du marché aux puces vers le centre commercial ?

Un texte de Benjamin Lemmens (Comité général d’action des Marolles)

Le CGAM est très attentif depuis plusieurs semaines à l’ambitieux projet de piétonisation du centre-ville de Bruxelles, et surtout aux conséquences que de telles transformations pourraient occasionner. D’autant plus que, les semaines passant, la ville distille ses informations au compte-gouttes, et en adaptant ses positions sur l’impact conséquent de ce projet sur la vie des riverains. En participant aux ateliers de travail participatifs prévus par la Ville, nous nous sommes vite rendus compte que la participation proposée concernait, en définitive, uniquement des aspects que nous qualifions de « cosmétiques ». Nous ne pouvons cependant pas négliger l’importance des préjudices que ce projet impliquera, aussi bien en terme de nuisances pour les habitants qu’en terme de mobilité pour les usagers. Ces nuisances collatérales, qui concernent pourtant le Pentagone dans son entièreté, ne nous semblent, par ailleurs, que très peu prises en compte par les autorités.

Nous apprenons, tantôt dans la presse, tantôt dans des échanges avec les uns et les autres, des bribes d’information. Ces rumeurs se confirment dans le dossier de presse du nouveau plan de circulation pour le Pentagone : Un « mini ring », 4 nouveaux parkings de 400 places à l’intérieur du pentagone. Cette politique de la sacrosainte voiture de périphérie qui a sa place bien au chaud à proximité de notre cœur historique est une vision malheureuse. Le CGAM repose encore et toujours cette question : Quelle place pour la consultation publique? Quelle place faisons-nous à l’habitant, à l’usager, à celui qui fait vivre la ville? Nous sommes plus particulièrement sensibles au cas de la place du Jeu de Balle, qui est le cœur d’une économie propre aux Marolles. Le projet prévu transformera définitivement le marché aux puces qui s’y tient chaque jour, ainsi que les commerces et établissements horeca qui y forment un ensemble indissociable. Le projet, de par sa fonction, ses incidences et sa réalisation (chantier) est pour nous une réelle menace à cet équilibre et au patrimoine déjà fragile des Marolles. La place du Jeu de Balle sera vouée à devenir un confortable centre commercial à ciel ouvert qui, bien évidement, ne s’adressera plus au même public.

De partout les voix s’élèvent contre ce projet qui ne rencontre ni habitants, ni usagers, ni amateurs de notre quartier. Seront-elles entendues ? C’est une question que nous nous poserons encore plus fort le mercredi 10 décembre lors du forum de discussion que nous avons dédié aux enquêtes publiques et au réel impact de la consultation populaire dans l’aménagement du territoire.

Si vous voulez…

Un texte de Martine Doyen

Si vous voulez une sorte de marché de Noël sur la place du Jeu de Balle avec des échoppes où tout sera aussi cher que dans une boutique, avec des objets ripolinés que vous ne pourrez même plus toucher…

Si vous voulez qu’il ne soit plus possible de vraiment chiner et trouver la perle rare au fond d’une caisse, si vous ne voulez plus vous laisser inspirer par un vieil agenda de 1934, ou un album photo improbable et vous émouvoir de les sauver de la voirie…

Si vous ne voulez plus vous amuser à marchander comme un malade pour réussir à couper un prix en 4, si vous ne voulez plus vous bousculer les uns les autres au moment ou tout devient gratuit et ramasser un truc dont personne ne veut mais que vous trouvez hyper joli quand même, si vous ne voulez pas qu’un marchand porte gratuitement votre nouvelle commode jusque chez vous, si vous ne voulez plus rire de voir autant de bordel, de contrastes et de folklore parfois, si vous ne voulez plus voir des gens qui rament et sont quand même content de pouvoir vendre quelque chose là ce matin sous la pluie à quelqu’un qui rame peut-être autant qu’eux, si vous ne voulez plus voir cette échange, cette solidarité finalement, si vous ne voulez pas découvrir que ce manteau soi-disant démodé est de super bonne qualité et peut avoir de la gueule avec tel ou tel accessoire, si vous ne voulez plus être créatif et choisir, être original dans le choix des objets qui vous entourent, si vous ne voulez pas avoir une alternative à Ikea, si vous ne voulez plus exercer votre oeil ou votre bon ou mauvais goût… Alors ne signez pas cette pétition !

Le « nouveau cœur » de Bruxelles va-t-il lui faire perdre son âme ?

Un texte de Gwenaël Breës

C’est désormais officiel. Le grand projet de piétonisation des boulevards du centre, cher à la majorité socialiste-libérale de Bruxelles-Ville, a donc un revers : il va provoquer la création d’un mini-ring et de quatre parkings dans le Pentagone. Des années de chantier en perspective pour un résultat qui est de nature à chambouler la vie sociale et commerçante de plusieurs quartiers centraux, dont les Marolles. Comme aux pires heures de l’urbanisme bruxellois…

Les socialistes bruxellois, menés par le bourgmestre Yvan Mayeur, avaient fait de la piétonisation des boulevards du centre le dossier emblématique de la législature en cours. Dans le projet dévoilé en janvier 2014, la Ville dévoilait son intention de transformer les « boulevards en une succession de places » pour créer « un nouveau cœur pour Bruxelles » et permettre « aux citoyens de se réapproprier l’espace public » 1)« Un nouveau cœur pour Bruxelles », Ville de Bruxelles, dossier de presse du 31/01/2014.. « Une approche innovante » censée « profiter en premier lieu aux habitants de ces quartiers » 2)« Un nouveau cœur pour Bruxelles », Ville de Bruxelles, dossier de presse du 31/01/2014..

En termes d’accessibilité, la Ville annonçait l’instauration d’un « véritable maillage de mobilité multimodal » et plus précisément d’un « système de boucles » dont l’objectif était « de décourager la circulation de transit en la déviant vers la Petite Ceinture, d’acheminer de façon plus fluide la circulation de destination et de libérer l’espace pour les piétons et les cyclistes » 3)« Un nouveau cœur pour Bruxelles », Ville de Bruxelles, dossier de presse du 31/01/2014..

En somme, il s’agissait d’un gros projet, dans l’air du temps, moderne, écologique et tout et tout… bref, digne de faire entrer un bourgmestre dans l’Histoire. Peut-être qu’un jour, Bruxellois et touristes allaient flâner sur la place Yvan Mayeur, à côté de la place De Brouckère que ce jeune et grand visionnaire avait appelé à devenir rien moins que « le Times Square de Bruxelles » 4)« Yvan Mayeur: « Un Times Square au centre de Bruxelles », La Libre Belgique, 13/12/2013..

À la Ville, ça marchande comme à la brocante

Mais c’était sans compter sur les partenaires libéraux de la majorité bruxelloise. Ceux-ci, dont leurs électeurs aimaient paraît-il se déplacer en voiture, avaient besoin d’une compensation pour avaler la couleuvre socialiste. Ils avaient ainsi obtenu une jolie sucette : à l’initiative d’Els Ampe, échevine OpenVLD de la Mobilité, des Travaux Publics et du Parc automobile, le Collège de Bruxelles-Ville décida de construire 1600 nouveaux emplacements répartis en 4 nouveaux parkings souterrains au plus proche du « nouveau cœur » de Bruxelles (Yser, Nouveau Marché aux Grains, place Rouppe, place du Jeu de Balle et en bonus, une extension du parking Poelaert baptisée Sablon-Marolles). Et en guise de « boucles de desserte », c’est finalement une grande boucle qui sortit des cartons de la Ville afin de relier les nouveaux parkings : un véritable mini-ring prompt à saturer des artères habitées et pour certaines déjà complètement embouteillées aux heures de pointe (rues du Lombard, des Alexiens, des Bogards, Van Artevelde, de la Vierge Noire, de l’Ecuyer, d’Arenberg, Fossé-aux-Loups,…).

Pour « décourager la circulation de transit en la déviant vers la Petite Ceinture », le Collège échevinal a voté l’augmentation de l’offre de parkings en plein centre-ville !

Résultat de ce marchandage : pour « décourager la circulation de transit en la déviant vers la Petite Ceinture », le Collège échevinal a voté l’augmentation de l’offre de parkings en plein centre-ville (qui compte déjà parmi les plus hauts ratios d’Europe) ! Une décision absurde, tant le lien entre la possibilité de se garer et le choix de la voiture comme mode de déplacement est devenu évident de nos jours 5)Les « Cahiers de l’Observatoire de la mobilité », édités par la Région bruxelloise, l’ont rappelé récemment : « La disponibilité d’une place de parking à proximité du domicile, et davantage encore à destination du déplacement, est un incitant majeur à l’usage de la voiture » ‑ De Witte, 2011.. Qui plus est, les 1600 places de parking supplémentaires que projette de construire la Ville iraient s’ajouter aux 18.978 déjà existantes dans les 34 parkings que compte le centre de Bruxelles… et dont le taux d’occupation est d’à peine 60% 6)Selon les chiffres officiels établis tant par Bruxelles Mobilité que par le Plan communal de mobilité. !

Il existe donc 6000 à 7500 places de parking inoccupées dans le Pentagone. Soit amplement de quoi compenser les 600 qui seraient supprimées en surface par la piétonisation des boulevards du centre 7)« Parkings publics souterrains : les projets de la Ville de Bruxelles doivent être enterrés ! », communiqué de presse de l’ARAU, 08/05/2014.. Pourquoi en créer de nouvelles ? C’est pourtant ce que la majorité socialiste-libérale appelle, contre toute évidence, un projet cohérent : « Ce grand réaménagement aura le mérite d’être cohérent. Bordeaux a dû passer par là il y a quelques années, mais tout le monde s’en félicite aujourd’hui et la considère comme une ville modèle » 8)« Le centre en chantier jusqu’en 2018 », Le Soir, 08/11/2014..

Circulez, y a rien à voir…

Ironie de l’histoire : alors que le Parking 58, situé en plein dans le périmètre du futur piétonnier, devrait bientôt disparaître pour faire place au nouvel immeuble administratif de Bruxelles-Ville 9)Nouvel immeuble administratif où sont d’ailleurs prévus 847 emplacements de parking., la démolition de ce symbole de la bruxellisation marque paradoxalement le retour d’une politique qu’on croyait révolue. Même si le discours a changé et s’est fait plus moderne, même si ce n’est plus à la fonction « bureau » qu’on vend la ville mais désormais « aux citoyens » et aux touristes qu’on la « rend », le résultat est une politique similaire à celle qui a défiguré Bruxelles entre la moitié des années 1950 et les années 1970, faisant la part belle aux voitures et aux parkings… et accessoirement fuir les habitants.

Ceux-là, ils peuvent bien fuir, d’ailleurs. Ce sont des emmerdeurs, jamais contents. Les commerçants ? Ils ne pensent qu’à leur commerce. Les associations ? Des emmerdeuses aussi, mais des professionnelles. À quoi bon s’embarrasser à consulter tout ce petit monde ? Leurs préoccupations et revendications multiples viendraient gâcher la concrétisation de cette grande vision pour la ville. « Times Square » vaut bien ça… Le Collège échevinal a donc préféré sortir prudemment les nouveaux parkings de son chapeau, sans la moindre concertation préalable (pas même de son administration) et le plus tard possible, histoire de prendre tout le monde de court. Une technique censée lui permettre de passer en force et d’éviter d’avoir à répondre à des questions inutiles.

Il n’y a pas d’études : elles seront faites plus tard, une fois la concession délivrée à une société de parking pour 35 ans.

Des mesquins pourraient demander, par exemple, en quoi un parking est « indispensable » 10)Selon les propos d’Els Ampe à Télé Bruxelles, 21/11/2014. sous la place du Jeu de Balle, alors que celle-ci est située à 400 mètres du parking de la Porte de Hal (500 places) et à 600 mètres du parking Poelaert (500 places). Des naïfs pourraient demander à voir les études d’impact et leurs résultats, par exemple en termes de flux de circulation sur le quartier des Marolles où les ambulances de l’hôpital Saint-Pierre ont déjà du mal à se faufiler dans les voiries étroites et encombrées… Mais non. D’abord, il n’y a pas d’études : elles seront faites plus tard, une fois la concession délivrée à une société de parking pour 35 ans. Et puis, comment voulez-vous que tous ces curieux donnent leur avis sur un Masterplan et un Plan de Mobilité qui ne sont même pas rendus publics ? De toutes façons, les commerçants et les habitants sont « demandeurs », assure Yvan Mayeur 11)« Un parking sous la Place du Jeu de Balle », sur le site de Marie Nagy, 17/11/2014. !

Et d’ailleurs, il est faux de dire qu’il n’y a pas de participation : la Ville organise actuellement un processus participatif consistant en plusieurs « groupes de travail composés de dix personnes maximum par groupe », dont les participants, désignés par « tirage au sort » 12)« Participer au réaménagement des places et boulevards du centre », sur le site de la Ville de Bruxelles., travaillent à partir de l’information que veut bien leur donner le Collège et peuvent ainsi donner leur avis sur le nom et le logo du projet, la couleur des pots de fleurs et autres éléments de première importance.

Des p’tits trous, des p’tits trous…

Devant les réactions atterrées des marchands et commerçants de la place du Jeu de Balle à l’annonce de la construction d’un parking, les élus ont tenté de se faire rassurants…

« On fera des petits trous et puis on avance » (Els Ampe).

  • Combien de temps va durer le chantier ? 24 mois selon certains, 30 mois selon d’autres. Mais trop de chantiers à Bruxelles se sont éternisés pour que quiconque puisse les croire de bonne foi.
  • Que va devenir le marché pendant les travaux ? Là encore, les réponses se contredisent, laissant entrevoir une certaine improvisation sur le sujet. Els Ampe se veut très optimiste, assurant que les entrepreneurs procéderont par phases : « On fera des petits trous et puis on avance » 13)Selon les propos d’Els Ampe à Télé Bruxelles, 21/11/2014.. Selon elle, une partie des marchands pourrait rester sur la place, tandis que d’autres intégreraient la cour de la caserne du jeu de Balle, pourtant pas très grande. Mais Marion Lemesre, l’échevine des Affaires économiques, voit plutôt elle une délocalisation à la place de la Chapelle… à 500 mètres de là…
  • Que vont devenir les commerçants de la place du jeu de Balle et ses abords ? Là, personne n’a de réponse. Pourtant, nul ne peut ignorer qu’un tel chantier fera d’importants « dégâts collatéraux » dans le commerce local, qui est sensiblement lié à l’activité du marché.

Le parking, cheval de Troie de la sablonisation des Marolles

Si nos édiles communaux ont du mal à convaincre de la cohérence de leur politique de mobilité, leur vision de l’avenir du centre-ville semble beaucoup plus homogène. Pour eux, il doit s’aseptiser, devenir propre, chic. Beau. Une sorte de vaste parc à thèmes permanent dédié à l’événementiel et au tourisme, avec juste ce qu’il faut de typique tout en attirant des enseignes de renommée. La « succession de places » 14)« Un nouveau cœur pour Bruxelles », Ville de Bruxelles, dossier de presse du 31/01/2014. qui seront aménagées sur les boulevards centraux s’inscrivent dans cette droite ligne.

« Ça permettra aussi d’attirer des riverains avec une meilleure capacité contributive » (Marion Lemesre).

Et cette fois, on dirait bien que le marché aux puces est dans la ligne de mire de cette disneylandification de la ville.  « Cette place est en mauvais état. Ce sera aussi l’occasion de la restaurer », déclare Els Ampe 15)« Le centre en chantier jusqu’en 2018 », Le Soir, 08/11/2014.. « Ça permettra aussi d’attirer des riverains avec une meilleure capacité contributive », renchérit sa collègue Marion Lemesre 16)Marion Lemesre au Conseil communal de Bruxelles, 17/11/2014..

En effet, la Ville semble voir d’un bon œil le scénario du déplacement des puces à la place de la Chapelle. Marion Lemesre, justement occupée à « revitaliser » les marchés bruxellois 17)« Bruxelles met en oeuvre un projet de revitalisation de ses marchés », L’Avenir, 05/11/2014., y voit l’opportunité de renforcer les liens entre le quartier huppé du Sablon et les Marolles. Autrement dit, de concrétiser une étape supplémentaire de la sablonisation des Marolles. On voit bien le coup venir…

  • Acte 1 : le chantier démarre, le marché est transféré sur un espace trop petit pour accueillir tous les marchands, il faut opérer une sélection parmi eux.
  • Acte 2 : certains marchands sont mis au carreau et se tournent vers d’autres horizons, tandis que les commerçants du Jeu de Balle sont exsangues.
  • Acte 3 : le chantier s’éternise, pendant que les brocanteurs ayant été sélectionnés s’adaptent peu à peu à la clientèle du Sablon.
  • Acte 4 : le parking est enfin fini et la place « restaurée » est inaugurée en grandes pompes.
  • Acte 5 : seuls les brocanteurs ayant été sélectionnés et tenu bon reviennent dans un quartier transfiguré : des habitants ont fui le chantier, des magasins sont à remettre, les pouvoirs publics soutiennent l’installation de nouveaux commerces, le standing du quartier grimpe, les loyers aussi.

Mais l’acte 1 n’a pas encore démarré et il faut maintenant démentir ce triste scénario. Les chances sont bonnes. La Ville de Bruxelles ne se rend manifestement pas compte à quoi elle a touché. Depuis l’annonce de la construction d’un parking, on ne parle plus que de ça au Jeu de Balle, les conversations s’animent et il faudrait se lever très tôt pour trouver quelqu’un qui soutienne ce projet. Les opposants ne sont pas seulement les marchands, commerçants et habitants des Marolles, ce sont aussi des amoureux du quartier et des clients du marché aux puces qui viennent de tout Bruxelles et de plus loin encore.

Contrairement à Els Ampe, ils aiment la place telle qu’elle est. Ils ne veulent pas la voir défigurée par des trémies. Ils rêvent que les traces historiques qui existent dans le sous-sol de la place et dont ils entendent parler depuis longtemps (notamment un ancien abri aérien) deviennent autre chose qu’un parking ‑ c’est le genre de choses qu’on classe dans d’autres villes, non ? Ils savent que le marché aux puces qui se tient là quotidiennement depuis 1873 est unique et mériterait lui aussi d’être classé. Ce qu’ils y trouvent, ce ne sont pas seulement des objets qu’on ne trouve pas ailleurs, c’est aussi une ambiance, un mélange social inédit, une activité foisonnante, la vie d’une place et d’un quartier particuliers. En d’autres mots : un patrimoine immatériel, économique, social, culturel, quelque chose d’une valeur inestimable… À leurs yeux, cela fait partie de l’âme de Bruxelles. Et pas question de le laisser disparaître pour un bête parking. « Times Square » ou pas.

Signez la pétition contre la construction d’un parking sous la place du Jeu de Balle !

Notes   [ + ]

1, 2, 3, 14. « Un nouveau cœur pour Bruxelles », Ville de Bruxelles, dossier de presse du 31/01/2014.
4. « Yvan Mayeur: « Un Times Square au centre de Bruxelles », La Libre Belgique, 13/12/2013.
5. Les « Cahiers de l’Observatoire de la mobilité », édités par la Région bruxelloise, l’ont rappelé récemment : « La disponibilité d’une place de parking à proximité du domicile, et davantage encore à destination du déplacement, est un incitant majeur à l’usage de la voiture » ‑ De Witte, 2011.
6. Selon les chiffres officiels établis tant par Bruxelles Mobilité que par le Plan communal de mobilité.
7. « Parkings publics souterrains : les projets de la Ville de Bruxelles doivent être enterrés ! », communiqué de presse de l’ARAU, 08/05/2014.
8, 15. « Le centre en chantier jusqu’en 2018 », Le Soir, 08/11/2014.
9. Nouvel immeuble administratif où sont d’ailleurs prévus 847 emplacements de parking.
10, 13. Selon les propos d’Els Ampe à Télé Bruxelles, 21/11/2014.
11. « Un parking sous la Place du Jeu de Balle », sur le site de Marie Nagy, 17/11/2014.
12. « Participer au réaménagement des places et boulevards du centre », sur le site de la Ville de Bruxelles.
16. Marion Lemesre au Conseil communal de Bruxelles, 17/11/2014.
17. « Bruxelles met en oeuvre un projet de revitalisation de ses marchés », L’Avenir, 05/11/2014.