Un texte de Damien Demoustier
Dans la presse, ce jour, on donne la parole à un acteur dont on entend beaucoup parler mais qu’on avait pas encore entendu s’exprimer !
Cher Mr Mayeur,
De mon sous-sol, j’observe comme il vous coûte de prendre le temps de vous mettre à l’écoute de vos administrés, comme il semble vous être difficile de tenir compte des arguments, des inquiétudes, des craintes, du bon sens parfois,… des gens qui vivent, fréquentent, travaillent dans ce quartier dont ils battent le pavé ou le caressent de leurs souliers ! J’espère, Mr Mayeur, que vous serez sensible aux propos d’un parking qui craint l’arrivée d’un nouveau concurrent !
Ma famille est dans la mobilité depuis de longues années. Mes plus vieux ancêtres étaient dans le transport « petit fluvial » sur les eaux de la Senne. Ils en voyaient du monde, des brasseurs, des tanneurs,… c’était la belle époque. Ca créait du lien entre les gens… un peu comme un vieux marché! Puis, avec le recouvrement, la famille a tout perdu. Certains se sont reconvertis dans les égouts, d’autres sont devenus de vulgaires « grattes-pieds de Bruxelles », ces espèces de ferrailles souvent posées à la droite des portes des maisons. De ces tâches ingrates, mes ancêtres se sont acquittés pendant de nombreuses années avant d’investir un filon en or : le stationnement. Les plus chanceux sont en surface, profite du temps qui passe. Les autres, comme moi, vivent sous la terre. C’est triste, vous savez Mr Mayeur, d’être sous la terre, d’être enfumé par les voitures qui passent dans un brouhaha insoutenable qui lorsqu’il s’apaise laisse place à une musique dont ne voudrait pas un ascenseur. Et ce qui est encore plus triste et difficile, c’est quand il n’y a pas de voiture… alors je me sens vide et je nourris le sentiment de ne pas assumer mes tâches, même ingrates, comme il se doit ! Voulez-vous donc ma mort en même temps que celle, lente et agonisante, de ce quartier et de son âme, Mr Mayeur ?
Je connais la concurrence et ses effets négatifs, on est nombreux dans la famille comme en atteste cette photo de nous tous.
On est tous là, enfin les souterrains sont là… parce qu’il y a les autres aussi et ceux d’autres familles ! S’il y des cousins éloignés, la plupart d’entre nous seront prêts à servir les intérêts de votre centre piétonnier. Tous ensembles, nous ne manquons sûrement pas d’arguments et de disponibilités ! Nous pourrons servir ces « gens las », ceux que les transports en commun ou qu’un peu de marche rebuteraient ! Je parlais de concurrence… elle est même rude au sein de la famille ! Depuis que mon neveu Poelaert est sous la place, je ne vois plus les robes amusantes et dansantes des avocats ! Ne laissez pas, Mr Mayeur, un arriviste aux dents longues me voler mes habitués ! J’ai travaillé dur pour les séduire tant ma signalisation laisse à désirer… peut-être pourriez-vous juste investir dans l’un ou l’autre panneau et « laisser venir à moi ces petites voitures »… comme dirait « 58 » notre père à tous !
Mr Mayeur, mon existence de parking souterrain m’a mis en contact avec d’autres édifices enfouis que parfois l’on oublie. Un Bunker… Mr Mayeur ! Ca c’est de l’édifice enfoui qui a de la classe ! Et vous voudriez le faire s’enfuir… à jamais ! Par les temps qui courent, socialement et idéologiquement, d’autres affectations jadis évoquées sembleraient plus judicieuses. Un musée pour la mémoire et un exemple de la Ville à l’état fédéral et certains de ses discours dégueulasses ! Un refuge pour sans-abris… moi, en tant que Parking, je pense que ça peut les aider… Vous pourrez convaincre certaines personnes, Mr Mayeur, en disant que ça les cachera ! Pensez au pire aussi, Monsieur Mayeur ! Avec tout ce qui se passe avec les réacteurs à Tihange, l’élite politique et idéologique de notre Ville aura plus besoin d’un bunker que d’un parking si elle entend survivre et reconstruire la ville qu’elle veut !
Vous portez un nom qui, dans un autre temps et dans certaines régions, siérait à votre fonction. En ce jour, vous pouvez poser le choix de vous comporter en « Maître du Bourg ». Celui qui décide en tenant compte des arguments qui nourrissent ses choix, ses projets et ses ambitions. Vouloir à tout prix laisser sa trace dans l’évolution de notre Cité ou avoir son nom gravé sur la plaque en marbre que l’on intégrera à côté de la barrière, dans le mur d’entrée du parking. Bien vite certains ne verront que le panneau indiquant le tarif, Mr Mayeur. Mais d’autre se souviendront que ce flot de voiture, ces bouchons sans noms, ce bruit, cette pollution, cette défiguration de notre village porteront ton nom ! Vous pouvez aussi, Mr Mayeur, posez le choix de vous comporter en M(è)aire de vos administrés et prendre le temps d’entendre et d’écouter ce qu’ils portent sur le cœur et dans la tête. Une première solution s’impose… reporter cette décision et élargir le débat tant les questions se multiplient (parkings, mini-ring, impact sur le trafic et la vie des habitants,…)
J’espère Mr Mayeur que vous aurez pris le temps de vous intéresser à ce que je vis dans mon quotidien de parking souterrain et au fil des idées qui se tisse en moi.
Signé : Le Parking de la Porte de Hal
Excellent 🙂