Un texte de Gwenaël Breës, 06/12/2014
Les 15 premières minutes de l’émission « Les experts » de Télé Bruxelles ce samedi 6/12 concernent le projet de parking sous la place du Jeu de Balle. J’ai été sidéré à la vision de ce débat…
– Sidéré d’entendre qu’après deux semaines de forte mobilisation contre le parking, plusieurs journalistes en sont encore à se demander si celle-ci émane du quartier ou si elle n’existe que sur les réseaux sociaux (l’un d’eux allant jusqu’à suggérer que l’opposition à ce parking pourrait être une forme d’opposition personnelle à Yvan Mayeur) ! Y a-t-il vraiment besoin d’un débat avec autant d’invités pour pour poser de telles questions ? Ne vaudrait-il pas mieux passer quelques heures dans les Marolles à discuter avec les habitants, marchands et commerçants, à écouter les conversations, à sentir l’ambiance, à observer le nombre d’affiches collées sur les vitrines, les pétitions qui circulent sur le marché et dans les commerces…?
– Sidéré d’entendre Faouzia Hariche (PS de Bruxelles-Ville) prétendre mettre les points sur les « i » dans un dossier dont elle ignore manifestement les tenants et les aboutissants. Mais personne sur le plateau ne la rectifie quand elle se trompe dans les grandes largeurs. C’est anecdotique lorsqu’elle insiste sur le fait qu’on parle du quartier de « la Marolle » et non « des Marolles », alors qu’il est de notoriété historique que la Marolle se limite à quelques rues situées en amont de la rue Haute derrière l’hôpital Saint-Pierre, le Jeu de Balle n’en faisant donc pas partie. Ce l’est moins lorsqu’elle tente de justifier le projet de parking par le problème de stationnement des camionnettes des marchands « à la rue du Midi », alors que c’est sur le boulevard du Midi et sur la rue des Brigitinnes que se trouvent les emplacements destinés à ces camionnettes, mais surtout que ce système fonctionne bien depuis plusieurs années, même s’il pourrait être amélioré par un système de réservation et de vignettes pour les marchands.
– Sidéré que le bourgmestre Yvan Mayeur puisse déclarer sans contradiction (mardi, toujours sur le plateau de Télé Bruxelles) que le parking du Jeu de Balle n’est pas lié au nouveau plan de circulation ! Les journalistes n’ont manifestement pas lu ce plan dont ils parlent tant ces dernières semaines… Normal, il n’est toujours pas public ! Par contre, la présentation écrite qui en a été donnée au Conseil communal et les cahiers des charges des parkings sont des documents accessibles, ils viennent d’ailleurs d’être votés par Mme Hariche et ses collègues. Ce sont des sources de premier ordre, qui constituent la base légale à laquelle les prétendants concessionnaires auront à répondre. N’importe qui prend la peine de les lire peut constater que ce parking fait bel et bien partie du plan de circulation.
Contrairement à ce qu’affirme Mme Hariche, la seule fois où le mot « marché » est utilisé dans le cahier des charges pour désigner autre chose qu’une attribution de marché public, c’est dans une phrase courte et sibylline (« Il y a lieu de maintenir au maximum le marché durant les travaux. »), ne donnant aucune garantie sur le maintien du Vieux Marché pendant les travaux. D’ailleurs, l’Echevine du Commerce Marion Lemesre elle-même a plusieurs fois contredit sa collègue Els Ampe en déclarant publiquement que le Vieux Marché serait déplacé pendant le chantier. Or, on sait qu’il n’existe pas d’espace assez grand dans les environs pour accueillir tous les marchands et qu’un déménagement « le temps du chantier » signifierait la mort annoncée de nombreux commerces. Mme Lemesre, qui a parfois le mérite de la franchise, a même déclaré voir des avantages à ce déménagement et aux transformations commerciales et sociales qu’il pourrait créer dans le quartier…
Alors, à quoi bon organiser un débat télévisé avec des invités qui n’ont que des opinions personnelles sur les questions posées ? Il y a des faits, des déclarations, des documents. Leur lecture suffit, par exemple, à constater que rien n’est prévu quant au maintien des pavés contrairement à ce que clame M. Mayeur. Ou à découvrir en toutes lettres que l’entreprise qui sera retenue pour construire le parking (Interparking ?) bénéficiera d’une concession de 35 ans… et se verra confier la responsabilité de réaménager les espaces publics autour.
Quant à « l’affaire du bunker », dénoncée par Mme Ampe comme une « instrumentalisation du patrimoine », il n’aura pas échappé à l’observateur attentif qu’elle est née dans les médias, suite à la publication de photos de l’abri anti-aérien sous la place du Jeu de Balle. Ces photos ont été prises par un explorateur urbain qui les avait gardées secrètes « pour éviter que l’endroit soit dérangé par d’autres », jusqu’à l’annonce du projet de parking. Voilà pour ce qui est de « l’instrumentalisation ». Par contre, il existe bien un sentiment partagé par de nombreuses personnes à Bruxelles que cet abri constitue un patrimoine à préserver, bien plus important qu’un parking. Ceux qui en connaissaient l’existence n’avaient pas besoin d’en demander le classement, puisque le lieu n’était en rien menacé. Et ceux qui tiennent à la place du Jeu de Balle comme elle est, n’ont pas besoin de trouver de prétexte pour le dire. C’est d’ailleurs le classement intégral de la place, de ses sous-sols et de son activité qu’ils sont tentés de revendiquer.
Dans ce contexte d’opacité et de passage en force, M. Mayeur ne doit pas s’étonner d’une telle mobilisation. C’est son projet commun avec Mme Ampe et leur méthode qui ont réussit l’exploit de fédérer autant d’opposants en si peu de temps… Accuser ceux-ci de faire de « l’intox », c’est une ficelle un peu grosse lorsqu’on tente soi-même de faire passer des pommes pour des poires un jour, et pour des fraises le lendemain.
Se rend-il compte qu’en accusant les élus Ecolo-Groen d’avoir agité et mobilisé la population, M. Mayeur confère non seulement à ces partis une force de mobilisation qu’ils n’ont pas, mais aussi qu’il offense tous les habitants qui ont un cœur pour ressentir, des yeux pour voir, des oreilles pour entendre et un cerveau pour réfléchir ?